La relation entre Beauvoir et Sartre mérite d’être réexaminée. Un moment décisif de leur histoire est déclenché par Mai 68, qui les incite à modifier leur rapport à la politique. Ils se font militants, lui maoïste, elle féministe, et participent activement à l’élaboration de la politique à laquelle ils adhèrent. Ils ne se contentent plus de supporter une politique définie en dehors d’eux, comme lorsqu’ils se sont revendiqués « compagnons de route » du Parti communiste ou ont soutenu la lutte de libération nationale des Algériens. Mais leur engagement politique les amène à emprunter ou tracer des chemins distincts : si Sartre est évidemment favorable à la lutte des femmes, il ne peut cependant aller jusqu’à lui reconnaître une pleine autonomie et la retient dans l’orbite de la révolution socialiste. Leur désaccord révèle tout l’enjeu du débat qui implique le féminisme (matérialiste) et le marxisme.
Professeur agrégé de philosophie jusqu’en 2010, Michel Kail est notamment l’auteur de Jean-Paul Sartre, les mains sales (Puf, 1992, avec Françoise Bagot) et Simone de Beauvoir philosophe (Puf, 2006).